RDC : L’Œil de Goma, le photographe qui transforme les clichés congolais en chef-d’œuvre

Dans une ville souvent réduite à ses secousses géologiques et géopolitiques, certains regards réparent ce que la presse internationale brise. Guerchom Ndebo, photographe et artiste visuel né à Goma, incarne cette génération d’artisans de la lumière qui capturent l’indicible, éclairent le réel et redessinent les contours d’un Congo vu de l’intérieur.
Chercheur en communication, il a choisi la photographie non comme un simple métier, mais comme une responsabilité : celle de documenter, d’archiver et de transmettre l’authenticité congolaise au monde. Son art devient une résistance, sa caméra un scalpel, sa ville natale un foyer d’images où la beauté lutte quotidiennement contre l’oubli et les préjugés.
Repéré dans le cadre du prestigieux projet Congo in Conversation de la Fondation Carmignac, aux côtés du photojournaliste canadien Finbarr O’Reilly, Guerchom entre dans la cour des grands avec humilité mais détermination. Il fait partie de ces artistes qui ont transformé Goma en capitale émergente des arts visuels en Afrique centrale, où une jeunesse armée de caméras, de drones et de poésie redéfinit les récits dominants.
Ses photographies, à la fois documentaires et profondément poétiques, se situent à la croisée de l’art et du journalisme, donnant une nouvelle noblesse à l’image non comme ornement, mais comme arme d’éveil. Contributeur pour Getty Images et l’AFP, il voit ses clichés publiés dans les plus grands médias mondiaux : The New York Times, CNN, RFI, USA Today, The Irish Times, confirmant que son regard porte bien au-delà des frontières congolaises.
En 2021, son projet « Les Forêts du Kivu » marque une étape décisive de son parcours artistique et militant. Il y dénonce, images saisissantes à l’appui, la déforestation dans les parcs nationaux de Virunga et Kahuzi-Biega, patrimoine naturel mondialement reconnu. Exposé à Paris, Goma, Beni et Lubumbashi, ce travail place Guerchom au centre des luttes écologiques contemporaines par l’image. Dans ses clichés, on ne voit pas seulement des arbres tombés, on entend aussi le silence d’une nature meurtrie, la colère contenue d’un peuple spolié, et l’urgence d’un combat environnemental à mener. Cette approche lui vaut le LensCulture Critic’s Choice Award et le Prix Albert Kahn Avenir Photo Canon en 2021, des distinctions qui consacrent son talent et son engagement.
Ce qui distingue fondamentalement Guerchom Ndebo, c’est sa fidélité indéfectible au peuple congolais. Il photographie les visages des oubliés, les gestes ordinaires, les silences profonds, donnant un corps aux statistiques, un nom aux victimes, une dignité aux laissés-pour-compte. En refusant systématiquement l’image sensationnaliste, il honore la complexité congolaise avec justesse, humanité et amour. Il n’est pas là pour embellir ou noircir la réalité, mais pour la montrer dans toute sa vérité, construisant méthodiquement une archive visuelle authentique de son époque. Son travail s’inscrit dans cette nouvelle école visuelle de Goma qui parle plusieurs langages photographie, vidéo, documentaire mais qui a un seul cœur : celui d’un peuple qui refuse l’effacement culturel et médiatique.
À l’image de Guerchom Ndebo, une révolution visuelle silencieuse mais puissante est en cours à Goma. Dans un monde saturé d’images creuses et de clichés réducteurs sur l’Afrique, ses œuvres fonctionnent comme des balises lumineuses. Elles nous rappellent que la vérité a besoin d’art pour survivre, et que le Congo ne sera jamais pleinement compris sans les yeux lucides et passionnés de ses propres enfants.
Guerchom Ndebo n’est pas qu’un nom dans le paysage photographique africain contemporain : il représente une vision, une boussole éthique, une promesse d’authenticité dans un secteur souvent dominé par les regards extérieurs. Son parcours illustre parfaitement comment l’art visuel peut devenir un outil de réconciliation entre un territoire et son image, entre un peuple et sa représentation mondiale.
Azga Shachikere