Culture

Art : « Éloges funèbres » ou les confessions d’une terre délaissée

Ce soir, sur les planchers de la scène de l’Espace culturel Français Goma, « Éloges funèbres » s’est imposé comme un cri de désaveu et d’amour contrarié, une confession poignante d’une île en deuil, qui s’adresse à ses fils dévoyés. Ce texte de Germain Chiza Mukubito nous convie à l’intimité d’une terre en agonie : une île qui pleure la perte de sa culture et de son histoire, dénonçant avec force la vente aux enchères d’un sol jadis sacré et la trahison des cœurs abandonnés.

Dans cette pièce où l’émotion s’est fait messagère avec les comédiennes Prisca Kabangu et Ninette Barachi, chaque réplique, chaque geste, était un rappel avec force que la mémoire d’un territoire ne saurait survivre à l’oubli. Sous la réalisation de Elie Richard, l’assistance à la mise en scène assurée par Joviane Chanda et les lumières de Sefu Lushobe et Lynca Mugisha du Burundi, la pièce ne pouvait qu’enchanter le public présent.

Un hommage aux derniers vivants, aux résistants et aux survivants !

Le spectacle se déploie en hommage à une république meurtrie par le carnage et le chaos. La scène s’illumine des mots d’une île qui, dans un ultime acte de tendresse et de désespoir, prodigue à ses fils des conseils intemporels : « Que le goût du miel ne domine pas le goût de la misère. Ne vous adaptez pas ! » Ces paroles, à la fois douce amertume et avertissement, résonnent comme l’écho d’un avertissement lancé contre la fatalité d’une guerre intérieure et extérieure, contre la haine qui ronge l’essence même de l’identité.

Tandis qu’un lac, implacable et tentaculaire, incarne ce pouvoir autoritaire qui cherche à tout contrôler, l’île pleure ses enfants qui l’abandonnent, se rappelant avec amertume qu’elle aurait voulu, par un dernier geste, s’exiler avant la déchéance. Ce choix de symboles, osé et extravagant, ne laisse personne indifférent : c’est un appel vibrant à la lucidité, à l’affirmation de soi en dépit d’un héritage douloureux et d’un avenir incertain.

Ce n’est pas un simple spectacle de théâtre, c’est une déclaration, une aventure sensorielle et émotionnelle qui transcende le cadre scénique pour devenir le reflet d’une réalité contemporaine. « Éloges funèbres » se veut un hommage émouvant à ceux qui ne se laissent pas submerger, un cri d’alarme pour prévenir du danger imminent de la guerre et de la haine.

Et vous, dans ce tumulte de modernité, serez-vous les héritiers d’un goût pour la vie bien au-delà du miel sucré ? Peut-être est-il temps de reconsidérer nos repères et d’accueillir ces éclats de vérité que le théâtre, quand il est porté par une vision si sans compromis, offre sans complexe.

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