Sécurité

RDC-Ouganda : Kampala rouvre ses postes-frontières avec les zones tenues par le M23

Plusieurs semaines après la signature de l’accord de paix de Washington, une nouvelle décision prise par les autorités ougandaises vient raviver les tensions dans la région des Grands Lacs. En effet, l’Ouganda a rouvert ses postes-frontières avec les villes de l’Est congolais actuellement sous le contrôle du mouvement de l’AFC/M23, déclenchant une onde de choc à Kinshasa et dans les milieux diplomatiques régionaux.

Le général Muhoozi Kainerugaba, chef des forces armées ougandaises et fils du président Yoweri Museveni, a ordonné le jeudi 10 juillet 2025 la réouverture de plusieurs points de passage, notamment à Bunagana, Busanza et Ishasha, frontalières avec les territoires congolais actuellement dominés par le M23. Officiellement, Kampala justifie cette décision par la nécessité de relancer le commerce transfrontalier et de répondre aux besoins économiques de ses populations frontalières.

« Nos populations du sud-ouest sont économiquement étouffées depuis la fermeture des frontières. Il est temps de rouvrir les canaux de commerce », a déclaré un porte-parole militaire ougandais à Kampala.

Mais pour Kinshasa, cette décision constitue une violation flagrante de la souveraineté congolaise et une reconnaissance tacite du pouvoir de fait exercé par le M23 sur ces territoires.

La réouverture des postes-frontières n’est pas une simple décision administrative. Elle reflète une stratégie géopolitique calculée de la part de l’Ouganda, qui cherche à renforcer son influence dans la région, dans un contexte où les tensions restent fortes avec le Rwanda, accusé d’être le principal soutien du M23.

Les experts estiment que cette décision pourrait renforcer la position du M23, en lui permettant de percevoir des droits de passage, des taxes locales et de recevoir davantage de ravitaillement via le commerce transfrontalier. Plusieurs ONG s’inquiètent d’une possible légalisation indirecte d’un pouvoir rebelle, ce qui affaiblirait les efforts de paix menés par la SADC et l’Union africaine.

Du côté de Kinshasa, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le gouvernement congolais, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a condamné fermement cette décision, la qualifiant de « provocation » et de « violation des accords régionaux ».

Des contacts diplomatiques ont été engagés au niveau de la SADC et de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) pour exiger le respect des engagements pris dans l’accord de Washington signé en juin dernier.

Dans les rues de Goma, la population réagit avec inquiétude à cette nouvelle. Nombreux sont ceux qui redoutent un retour des affrontements.

La réouverture des postes-frontières entre l’Ouganda et les territoires contrôlés par le M23 représente bien plus qu’un geste commercial : c’est un acte à la fois économique, militaire et politique, qui remet en cause les équilibres précaires construits par les récentes négociations de paix. Face à cette situation, la RDC se trouve à un tournant, devant faire face à la fois à des pressions extérieures et à une opinion publique locale de plus en plus méfiante. L’enjeu est désormais de savoir si la diplomatie régionale saura contenir une nouvelle escalade dans une région qui ne demande qu’à guérir.

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