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RDC : Rentrée Scolaire au milieu entre l’angoisse économique et défi sécuritaire, l’école en sursis

Alors que plus de 29 millions d’élèves congolais étaient attendus sur les bancs de l’école ce lundi 1er septembre, la rentrée des classes est venue cristalliser l’immense détresse de tout un peuple. Dans l’est du pays, la guerre et les déplacements forcés privent des milliers d’enfants de leur droit fondamental à l’éducation. À l’ouest, une crise économique étouffante plonge les familles dans une angoisse insoutenable, transformant ce moment d’espoir en un parcours du combattant. Entre les promesses non tenues de gratuité et l’ombre menaçante des groupes armés, comment la nation peut-elle encore protéger son avenir ?

Ce lundi 1ᵉʳ septembre marquait la rentrée scolaire en République Démocratique du Congo, une échéance particulièrement ardue pour de nombreuses familles, secouées par une crise économique et sécuritaire sans précédent. Dans les provinces orientales du Nord et du Sud-Kivu, partiellement sous l’emprise du groupe armé AFC/M23, la reprise des cours s’est effectuée dans un climat de profonde inquiétude.

À Bukavu, l’angoisse est palpable. Juvénal Lushule, père de cinq enfants, arpente les artères principales, une liste de fournitures scolaires à la main, le visage marqué par l’impuissance. « J’ai la volonté d’acheter, mais je n’ai pas d’argent. Les cahiers sont exposés, mais même les vendeurs n’ont pas de clients. Cette crise frappe tout le monde », déplore-t-il , illustrant une économie locale au point mort. La précarité sécuritaire exacerbe les difficultés, comme le souligne Koko Pierre, autre parent d’élèves : « Cette année est très particulière du fait de la guerre. Les pillages, l’absence de banques… C’est vraiment pénible pour nous , parents. »

Cette situation est encore plus critique pour les milliers de déplacés internes fuyant les violences. Face à cette détresse, l’Association nationale des parents d’élèves et d’étudiants a lancé un appel pressant aux autorités pour qu’elles viennent en aide aux élèves, notamment en fournitures scolaires. Malgré ce contexte délétère, une lueur de résistance persiste au sein du corps enseignant. Mugisho Mètre, professeur dans une école publique de Bukavu, affiche une détermination stoïque : « Je suis prêt à reprendre la craie. Aux enseignants qui ont fui, je dis : après la pluie vient le beau temps. Nous espérons la paix. » Dans une tentative de désamorcer les craintes, le groupe armé AFC/M23 a, par communiqué, appelé les parents à envoyer leurs enfants à l’école.

Cependant, le spectre de la crise économique ne se limite pas à l’est du pays. À Lubumbashi, l’heure est également au désarroi. Ludovic, photographe et père de trois enfants, témoigne : « Nous nous sommes coupés en morceaux pour cette rentrée. La veille, les parents défilaient, preuve que ce n’est pas facile. Sur les marchés, tout a augmenté : uniformes, fournitures… tout coûte cher ! » Pour de nombreuses familles, l’échéance est tout simplement reportée. Abiba se résigne : « Mes enfants n’iront pas à l’école avant octobre. Nous n’avons ni cahiers, ni uniformes, ni cartables. »

La promesse de gratuité de l’enseignement primaire, annoncée il y a quatre ans, semble un lointain souvenir qui n’a pas soulagé le fardeau des ménages. Jean-Jacques Mamba, fonctionnaire, en atteste : « Le salaire est devenu trop exigu et il ne vient pas à temps. La réinscription est gratuite, mais il reste une multitude de frais à payer, comme les ateliers. » Le gouvernement congolais annonce pourtant plus de 29 millions d’élèves attendus dans les écoles à travers le pays.

Cette rentrée scolaire en RDC est bien plus qu’un simple retour en classe ; elle est le sinistre baromètre des maux qui rongent la nation. À l’est, l’éducation est prise en otage par la terreur des armes, tandis qu’à l’ouest, elle est asphyxiée par la misère économique. Si la résilience des parents et la foi des enseignants force l’admiration, elles ne peuvent suffire à garantir l’avenir de millions d’enfants. Sans une action gouvernementale forte, rapide et concrète pour assurer la sécurité et alléger le fardeau financier des familles, le droit à l’éducation, pilier essentiel de toute reconstruction nationale, risque de sombrer définitivement, hypothéquant ainsi les futures générations et, avec elles, l’espoir même d’un Congo pacifié et prospère.

Franklin MIGABO

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