RDC-OUGANDA : L’UPDF rejette les accords de Doha et de Washington

Les espoirs d’un cessez-le-feu durable dans l’Est de la République Démocratique du Congo viennent de prendre un sérieux coup. Le général Muhoozi Kainerugaba, commandant en chef des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) et fils du président Yoweri Museveni, a envoyé un signal fort en déclarant que l’armée ougandaise ne reconnaît pas les récents accords de Doha et de Washington visant à désamorcer la crise sécuritaire dans la région.

Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Muhoozi a écrit sans détour :
« L’UPDF ne reconnaît et ne respecte certainement pas les accords de Doha ! Le Qatar et les États-Unis ne peuvent pas décider à la place des neuf pays africains voisins de la RDC, qui peuvent avoir des différends avec elle. Washington et Doha ne signifient absolument rien sans l’EAC et la SADC. »
Mais c’est surtout une autre phrase qui a mis le feu aux poudres :
« En fin de compte, Kisangani sera réunie à l’Ouganda. »
À travers cette sortie controversée, le général Muhoozi ravive de vieilles blessures géopolitiques. L’évocation de Kisangani, ville stratégique du nord-est de la RDC fait directement écho aux affrontements meurtriers entre armées rwandaise et ougandaise sur ce territoire congolais au début des années 2000, au cœur des deux guerres du Congo.
La déclaration est d’autant plus alarmante que l’UPDF est censée être alliée des FARDC dans la traque des ADF (Forces Démocratiques Alliées), un groupe armé d’origine ougandaise accusé de multiples massacres dans la région de Beni.
Doha et Washington : médiateurs contestés ?

Les accords de Doha, signés récemment sous médiation qatarie et soutenus par les États-Unis, ont été salués par Kinshasa comme une avancée vers un désengagement militaire de l’AFC/M23 et un retour de l’autorité de l’État congolais dans les territoires occupés. Ils prévoient un calendrier de cessez-le-feu, le retour des déplacés internes, et des garanties sécuritaires dans l’Est du pays.
Mais pour Muhoozi, ces accords ne sauraient engager la région sans le consensus des organisations africaines, en particulier l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) et la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). Il accuse indirectement Washington et Doha de court-circuiter les mécanismes africains de résolution des conflits.
À l’heure actuelle, le gouvernement ougandais n’a pas officiellement commenté les propos de son général. Toutefois, il faut rappeler que Muhoozi Kainerugaba, tout en étant militaire, a souvent été présenté comme l’héritier putatif de la présidence, et ses déclarations ont à plusieurs reprises créé des tensions diplomatiques, notamment avec le Rwanda, le Kenya et même l’Éthiopie.

À Kinshasa, plusieurs analystes et responsables appellent à la vigilance diplomatique. Pour un chercheur du Groupe d’Études sur le Congo (GEC), « ces propos fragilisent les efforts régionaux et internationaux, et remettent en cause l’intégrité territoriale de la RDC, ce qui est inacceptable. »
Des voix s’élèvent aussi pour que la SADC et l’EAC prennent position afin d’éviter une escalade verbale qui pourrait se transformer en conflit ouvert par procuration, à l’image des années 1998-2003.
À l’heure où les Congolais espèrent une paix durable dans l’Est, ces déclarations viennent semer le doute sur la sincérité des engagements régionaux. Elles mettent également en lumière les fractures profondes au sein des alliances militaires, et la complexité d’une géopolitique des Grands Lacs toujours instable.
Le silence de l’Union africaine, l’ambiguïté de certains États membres de l’EAC, et la lenteur de réaction des puissances occidentales pourraient aggraver la situation. La RDC devra user de tact diplomatique, tout en affirmant sa souveraineté face à ces velléités de domination régionale.