Culture : Dialogue des continents, Mampuya et Desmerges tissent une passerelle artistique à la Foire de Johannesburg

Dans le tumulte feutré des allées du Sandton Convention Center, deux univers artistiques radicalement différents, celui du Congolais Francis Mampuya et du Français Jean-Claude Desmerges, ont convergé pour défier le « choc des civilisations » et offrir au public une vision alternative : celle d’une communication harmonieuse née de la différence. Pour sa deuxième participation consécutive, la galerie kinoise Malabo a une nouvelle fois transformé son stand en un laboratoire d’interculturalité, semant les graines d’une future scène artistique congolaise résolument connectée au monde.
La galerie d’art congolaise Malabo a brillamment pris part à la 18ème édition de la Foire d’art contemporain de Johannesburg (Afrique du Sud), qui s’est tenue du 4 au 7 septembre. Pour sa deuxième participation consécutive après un premier succès en 2024, cet espace culturel audacieux a une nouvelle fois mis en lumière la vitalité de la création contemporaine en République Démocratique du Congo, tout en orchestrant un dialogue des plus féconds entre un artiste local et un plasticien français.
Sous la houlette d’ Arielle Edoumou-Baramoto , sa gérante, la galerie a présenté un duo d’artistes au profil aussi distinct que complémentaire , Francis Mampuya et Jean-Claude Desmerges . Leur association, loin d’être fortuite, fut conçue comme un manifeste, une proposition esthétique visant à construire des ponts là où d’aucuns n’envisagent que des murs. « Il est impératif pour nous, galerie basée à Kinshasa nous ne sommes pas légion dans le pays , de présenter la force des artistes congolais et de servir de véhicule pour des dialogues artistiques interculturels », a souligné la dirigeante.
L’événement, l’une des foires d’art contemporain les plus anciennes et prestigieuses du continent, a offert une plateforme idéale pour ce projet ambitieux. Forte du bilan positif de sa première participation en 2024, où elle avait exposé les œuvres de Doudou Mbemba, Patrick Lomaliza et déjà Francis Mampuya, la galerie Malabo confirme ainsi sa vocation de tremplin essentiel pour les artistes qu’elle représente. « Nous considérons ces événements comme un bilan positif qui transcende la simple exposition d’œuvres. Nous plantons les graines d’une galerie qui aspire à être incontournable dans la promotion des artistes congolais », a ajouté Arielle Edoumou-Baramoto.
Francis Mampuya , artiste kinois et cofondateur du mouvement « Librisme », revendique une liberté créative absolue. Affranchi des carcans académiques, il fait de l’art le souffle même de l’âme, un espace où la pensée se déploie sans entrave. Peinture, sculpture, collage, encre végétale ou objets recyclés deviennent une pluralité de langages pour saisir l’essentiel : cette vibration intime qui relie l’homme à son monde intérieur. Son univers, à la lisière de l’abstraction allusive et de la figuration, est une symphonie de contrastes. Des couleurs flamboyantes épousent des gestes instinctifs, des formes éclatées s’assemblent en un désordre savamment orchestré. De ce chaos apparent émerge une harmonie profonde, miroir des tensions et de la beauté de la vie contemporaine. Mampuya ne raconte pas ; il murmure à l’oreille de chacun une vision poétique et universelle de nos complexités humaines.
Jean-Claude Desmerges , en contrepoint, incarne l’artiste nomade, insaisissable, vivant et créant au gré de ses errances. Déraciné de son identité française native, il a trouvé en Afrique un terreau d’inspiration fertile. Une rencontre fortuite sur une plage ivoirienne en 2021 a scellé son alliance avec la galerie Malabo. Depuis 2019, il sillonne le continent, des ruelles vibrantes de Casamance aux profondeurs telluriques de Kolwezi, absorbant la substance brute de ses œuvres dans le quotidien des lieux et des hommes. Son médium de prédilection ? Le papier, le charbon, et un contact visceral avec son environnement, souvent créé à même le sol, au cœur de l’agitation urbaine. En 2025, c’est Johannesburg qui a infusé son travail, ses sons et ses visages venant enrichir une œuvre présentée comme une collection de fragments d’humanité, glanés dans l’immédiateté de l’instant.
L’alliance de Francis Mampuya, l’architecte du chaos sensible, et de Jean-Claude Desmerges, l’archiviste nomade de l’instant, a transcendé le simple cadre d’une exposition. Elle a incarné une philosophie, celle d’un art sans frontière, capable de puiser dans la diversité des parcours et des cultures une énergie créatrice unique. En offrant cette conversation esthétique à l’une des foires les plus en vue d’Afrique, la galerie Malabo a fait bien plus que promouvoir des talents ; elle a posé les jalons d’une nouvelle diplomatie culturelle. Celle qui, patiemment, œuvre à réécrire le récit de l’art contemporain africain, non plus en marge, mais au cœur des grands dialogues mondiaux, prouvant une fois encore que la véritable contemporanéité est résolument dialogue et métissage.
Franklin MIGABO