Bukavu : La rentrée scolaire menacée par une grève massive des enseignants

Alors que les élèves congolais s’apprêtent à faire leur rentrée, leurs enseignants brandissent la menace d’un mouvement de grève massif. Un ultimatum qui révèle une crise profonde, où salaires impayés, primes ignorées et dignité bafouée pourraient paralyser les salles de classe et hypothéquer l’avenir de toute une génération.
À moins d’une semaine de la rentrée scolaire prévue le lundi 1er septembre, la tension monte d’un cran dans le secteur éducatif congolais. L’Intersyndicale des enseignants a lancé un préavis de grève du 26 au 29 août, avertissant que si le gouvernement ne satisfait pas à ses revendications, une grève totale sera déclenchée du 1er au 6 septembre. Un mouvement qui pourrait se radicaliser et plonger le système éducatif dans le chaos.
Derrière cette menace, qui plane sur des millions d’élèves, se cache une réalité plus sombre : la fragilité structurelle de l’éducation nationale et le profond désarroi des enseignants, qui luttent pour la régularité de leurs salaires, la reconnaissance de leurs primes et le respect de leur dignité professionnelle.


Godefroy Matondo, porte-parole de l’Intersyndicale, dresse un tableau accablant des manquements gouvernementaux. La mauvaise volonté dans l’application des engagements pris lors des commissions paritaires de Mbuela Lodge et Bibwa persiste. Les enseignants exigent : l’uniformisation de la prime de gratuité au primaire ; l’augmentation des salaires, incluant le versement du troisième palier ; le paiement équitable des primes pour fonctions spéciales et des primes en faveur des agents administratifs et de l’inspection générale ; la régularisation des paiements irréguliers dans plusieurs provinces ; le paiement des intervenants aux évaluations éducatives hors session (TENAFEP et autres) ; la prise en compte des enseignants NP et NU, notamment dans les écoles secondaires et bureaux gestionnaires.
« Nous ne pouvons plus accepter que des engagements pris soient appliqués à moitié », insiste Matondo. « La persistance de ces irrégularités dénote un mépris inquiétant pour ceux qui façonnent l’avenir de notre jeunesse ».
Le préavis de grève sonne comme un coup de semonce pour le gouvernement. Dans un secteur déjà fragilisé par les retards de paiement et la précarité, le risque de paralysie des écoles, administrations et inspections est réel. La rentrée 2025 pourrait se dérouler dans l’incertitude si des mesures concrètes ne sont pas prises rapidement.
Au-delà du conflit immédiat, cette crise soulève une question cruciale : celle de la revalorisation du statut social des enseignants. Mal rémunérés, confrontés à des paiements irréguliers et à un manque de reconnaissance institutionnelle, les enseignants congolais voient leur motivation et leur dignité compromises.
Le gouvernement est à la croisée des chemins : ignorer ces revendications, c’est risquer de fragiliser durablement l’éducation nationale et, par ricochet, l’avenir du pays. Mais agir avec célérité, régulariser les salaires, uniformiser les primes et respecter les engagements paritaires, c’est redonner espoir à toute une profession et garantir à des millions d’enfants le droit fondamental à l’instruction.
L’Intersyndicale ne se contente pas de brandir la menace de grève ; elle envoie un signal fort : l’État doit être capable d’assurer la dignité de ses éducateurs et la continuité de l’enseignement. Si Kinshasa ne répond pas par des actions concrètes et équitables, la rentrée scolaire 2025 s’ouvrira dans un climat de paralysie et d’incertitude, sacrifiant l’avenir de toute une génération. Le temps n’est plus aux promesses, mais aux actes.
Franklin MIGABO