RDC : Maintien des jeunes filles enceintes à l’école, le MINEDUC-INC met-il la charrue avant les bœufs ?

Par une note circulaire signée et rendue publique ce lundi 14 juillet 2025, le ministère de l’Éducation nationale et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté (MINEDUC-INC) a instruit tous les établissements scolaires de la République démocratique du Congo à permettre aux jeunes filles enceintes de poursuivre leur scolarité, sans qu’aucune barrière administrative discriminatoire ne leur soit imposée.
Selon le ministère, cette mesure s’inscrit dans le cadre du renforcement des engagements nationaux et internationaux pris par la RDC en faveur d’une éducation inclusive et de l’égalité de genre.
« Rien ne justifie l’exclusion d’une élève enceinte du système éducatif dès lors qu’elle ne manifeste pas la volonté de quitter l’école », peut-on lire dans cette note officielle, signée par Alexis Yoka La PULINANGU, secrétaire général par intérim.
Une décision sans unanimité
Si certains acteurs de la société civile voient dans cette décision une volonté de protéger et défendre les jeunes filles, elle n’en reste pas moins controversée.
Dans le milieu éducatif, Hobab WATUKALUSU, chef d’établissement du Complexe scolaire La Solidarité Wa-Ma à Goma, pense que la mesure comporte des risques :
« Ces filles bénéficient désormais d’une protection institutionnelle si elles choisissent de poursuivre leurs études. Mais cela pourrait aussi influencer d’autres élèves à normaliser certains comportements immoraux, menant à des grossesses non désirées » déclare-t-il.
Il s’interroge également sur les cas sensibles où un enseignant serait impliqué :
« Que faire si un enseignant est l’auteur d’une grossesse chez une élève majeure ? Si le règlement prévoit son licenciement immédiat, faut-il malgré tout aussi garder l’élève ? La situation est complexe», souligne-t-il.
Des avancées, mais encore des défis

Pour Simon Binezero, coordonnateur de l’organisation YARH-DRC, engagée dans la promotion des droits sexuels et reproductifs des adolescents et jeunes à Goma et BUKAVU, la décision du ministère constitue une avancée cruciale, mais reste insuffisante face aux réalités du terrain.
« Autoriser les jeunes filles à rester à l’école ne suffit pas. Cela ne résout ni la stigmatisation sociale, ni les obstacles pratiques et émotionnels liés à la grossesse : fatigue, rendez-vous médicaux, responsabilités maternelles, incompréhension ».
Il plaide pour une approche holistique qui inclurait :
Des campagnes de sensibilisation contre la stigmatisation, un accompagnement psychologique et académique personnalisé, l’accès à des services de santé scolaire intégrés et des solutions concrètes pour la garde d’enfants.
« Sans ces dispositifs, le risque d’abandon scolaire reste élevé », alerte-t-il.
Des chiffres alarmants
Selon l’Enquête Démographique et de Santé (EDS 2022), 27 % des adolescentes en RDC ont déjà eu un enfant, et le taux de fécondité pour les filles de 15 à 19 ans était de 119 pour 1 000 en 2020. »